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EMPORTES PAR LA FOUGUE…DES CELEBRES ANONYMES AJACCIENS… ! “ Bellevalle Story ”

EMPORTES PAR LA FOUGUE…DES CELEBRES ANONYMES AJACCIENS… ! “ Bellevalle Story ”

En ce début de matinée la foule a pris d’assaut ce petit coin de verdure d’habitude si champêtre. Curieux, amateurs, passionnés, journalistes photographes et marchands de frites ambulants se sont agglutinés autour de ce virage en épingle à cheveux pour célébrer la grande messe du “tour ”. L‘ambiance est chauffée à blanc. Depuis une demi-heure tout ce que le petit monde des rallyes compte de virtuoses et de cracks rivalisent de prouesses et de figures de style devant toute cette populace avide de sensations fortes.
“L’épingle de Bellevalle”, haut lieu béni du monde mécanique insulaire a revêtu ses habits de cérémonie pour sacrifier au rituel du démon de la vitesse. Le Tour de Corse automobile s’est élancé aux aurores de la cité impériale et a déclenché une fièvre frénétique dont le virus s’est propagé rapidement de proche en proche propulsé par une sorte de moteur débridé et surpuissant.
Le contraste est saisissant entre le calme et la quiétude habituel et l’excitation et la liesse engendrées par le son et l’image de la mécanique torturé à vif. Ce monde en transe a opéré une transmutation de ses propres valeurs, un bouleversement total de son inconscient collectif. Ici, à Bellevalle, on juge le gros cœur, la godasse de plomb, le sens de la trajectoire et l’audace du coup de volant. Cette tranche de vie en accéléré joue le rôle d’exutoire de toutes les frustrations et petits malheurs de la vie quotidienne. On est là pour sentir les palpitations de son cœur et pour vivre par procuration à travers l’adresse et la virtuosité de toutes ces icônes casquées et sanglées que sont les pilotes de course. Les passages de ces derniers sont salués par d’exubérantes manifestations extérieures et par le respect du à la chose sacrée. Le peuple en goguette communie joyeusement dans toute cette transcendance païenne.
Tout à coup, une clameur s’élève spontanément, comme aucun des champions précédents n’en a suscité jusqu’alors. “ C’é ”, s’exclame la rumeur d’un air entendu. Aussitôt un bruit aigu de moteur poussé au maximum déchire le silence ambiant. “ Il arrive ” chuchote la rumeur de plus en plus persistante. La tension est à son comble, chacun retient son souffle. Dans les instants qui suivent, une Subaru bleue nuit déboule à fond de train sur la chaussée en ébullition et aborde Bellevalle dans un bruit de tonnerre rugissant en effectuant un long dérapage sans fin avant d’être avalée par la ligne droite et le virage suivant. La plainte lancinante et assourdissante déclenchée par le contact entre la gomme martyrisée et l’asphalte violenté semble un orgasme inouï psalmodie dans un instant hors du temps. Marco Massarotto, le premier d’un long contingent de pilotes Ajacciens vient de passer dans son style alliant force et finesse. Pour le coup, Bellevalle est sonnée et sans voix. Un ange passe, il porte une combinaison bleue nuit et il s’envole à la vitesse de la lumière.
Pas le temps de se remettre qu’arrivent les autres forçats de ces 1000 virages infernaux. Chacun y va de sa personnalité et veut laisser son empreinte dans la cavalcade de Bellevalle. L’heure est à tout ces anonymes du sport auto que le petit peuple d’Ajaccio connaît bien et interpelle par des surnoms ou sobriquets qui forment un lien entre la route et l’assistance du bas côté.
Patrick Bernardini ajoute sa touche personnelle à la chorégraphie en exécutant une figure acrobatique agrémentée de coups de klaxon qui sont autant de signes de connivence avec les spectateurs. Jean-Marc Secchi charge sur Bellevalle, Jean-Luc Mondoloni préfère surfer, Pierre Fayet joue au dompteur, Gérard Scarpighjo passe godasse au plancher, Marie-France Bartoli caresse Bellevalle, Laurent Albertini préfère toréer l’épingle, Jean-Pierre Gordon s’offre une partie de rodéo, Jean-Charles Luciani joue a saute moutons, Richard Appietto trinque avec Bellevalle, Laurent Poggi se rit de Bellevalle, Dédé Papini apprivoise Bellevalle, Michel Néri embrasse Bellevalle, Eric Ruggieri défie Bellevalle, Sylvain Agneti bricole avec Bellevalle, Christian Habani affronte Bellevalle, Jean-Marc Sanchez flirte avec Bellevalle, Jean-Marie Santoni slalome dans Bellevalle, Gilbert Casanova se rue sur Bellevalle, François Léandri jongle avec Bellevalle,
Françis Serpaggi tisse dans Bellevale,
Denis Sequies boursicote avec Bellevale
Rocky les diams soigne son look pour plaire à Bellevalle, Dédé Dessi serre entre ses mains son précieux talisman en forme de papier hygiénique pour conjurer Bellevalle. Devant cet afflux de prétendants, Bellevalle ne sait plus ou donner de la tête et rend à chacun son clin d’œil aguicheur.
Un concurrent malheureux trop sensible à l’appel des sirènes va finir sa course dans les bras médusés de Bellevalle. Cela est fatal à Christophe Tasso, spectateur non moins malheureux, qui bien que légèrement blessé va survoler Bellevalle depuis l’hélicoptère en train de l’hélitreuiller
Il y a aussi ceux que l’on attend et qui ne célébreront jamais leurs noces barbares avec Bellevalle. Christophe Boulet est de ceux là. Au grand désarroi de ses nombreuses Pom Pom Girls qui n’attendaient que lui, le latin lover à l’allure de Max Biaggi doit renoncer à l’amorce de la première spéciale à cause d’un moteur récalcitrant. Telle est la loi de la course, impitoyable pour les uns, si généreuse et dispendieuse pour les autres.
Après le passage de la folle farandole du Tour, Bellevalle retrouve son calme et sa sérénité loin de toute cette agitation. Dans un pré non loin de là, quelques vaches broutent et ruminent à mille lieues des subtilités des classements du groupe N et groupe A. Seul le bitume garde les traces des paraphes en arabesques laissés par ces conquérants de l’absolu.
Ce soir la bruyante kermesse mécanique sera transposée à Ajaccio aux abords de son centre vital du parking de Margonajo. Tard dans la nuit les rues de la cité résonneront aux sons stridents des 6 cylindres et de ceux plus feutrés des moteurs turbo.
Beaucoup d’Ajacciens rêveront de Bellevalle en s’asseyant au rond point de la gare, à la ligne droite de l’Amirauté ou à la courbe de Campo Dell’Oro qui sont autant de juges de paix Ajacciens. Ainsi est fait le bouillonnant sang méditerranéen qui irrigue la truculente âme insulaire. !

Joseph K.

Bellevalle : Epingle mythique du Tour à l’entrée de Bisinao après le col de St Georges

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