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Le bar du Golfe à Ajaccio

Le bar du Golfe à Ajaccio

Une passion sans cesse renouvelée

Flâner dans l’Ajaccio de ma jeunesse,c’est «refaire le cours »,le «petit » et le «grand»,revenir dans le quartier de mon enfance,deviser avec Pierrot Pantalacci et son épouse dans la rue des Trois Marie – pardon, à stretta di Cannettu – tout en fredonnant l’hymne de mon quartier (Tre Marie, Tre Maro,etc…) puis prolonger ma virée par la rue
Fesch à la rencontre d’amis et de connaissances, pour simplement discuter, me rappeler les meilleurs moments d’une enfance joyeuse.Me voilà traversant la place des Palmiers (excusez-moi pour l’appellation,Maréchal, mais j’ai tellement fait d’erreurs lorsque, gamin, j’envoyais les
touristes place Miot ou ailleurs…) pour me rendre vers ce que je considère comme une institution : Le Golfe. Chez « Paupol » le digne successeur d’Yvonne et d’Ignace Diana, ceux par qui l’établissement du quai Napoléon a gagné ses lettres de noblesse et sa place au soleil du souvenir et de
la nostalgie du temps qui passe. A 16 ans et des poussières, on se croit roi du monde et conquérant au possible. On marche quasiment sur l’eau. Le peigne dans la poche arrière du premier blus jean’s «Sam» tombant sur nos Clark brossées, bien moulé dans la chemise Madras ouverte sur une poitrine juvénile, nous voilà sur le terrain des conquêtes, face à la mer et au monde, secouant les habitudes des « snobs » qui fréquentent le Golfe.Attention devant, on arrive, à nous les p’tites touristes, assis les jambes tendues voire les pieds sur une chaise…Et voilà
la première remontrance de Lucie, le « bras » droit d’Yvonne, la patronne, l’incontournable reine des lieux : « Un seti micca in casa vostra qui ! Surtiti mi sti pedi di i caregghi…» Le ton est donné, ferme, sans concession ! Une bière, deux pastis, un Martini ! «Sortez les cartes d’identité,après je vous servirais.» Lucie est une coriace. Jeannine aussi. Elles deviendront nos amies voire nos complices au fil des mois et des années, mais pour les mineurs que nous sommes, rien à faire. C’est la limonade ou
le Régalon des établissements Scaglia et basta cusi. Entrée réussie tout de même dans LE BAR, celui où il fallait être vu, celui par qui le passage de l’adolescence à l’âge adulte est devenu un rite, une obligation, un authentique certificat d’authenticité voire d’émancipation ! Et voilà comment j’ai effectué mes premiers pas chez Yvonne et Ignace Diana, aux côtés des Ajacciens bien en vue, des jeunes journalistes et autres cadres, des artistes de tous bords et des intellectuels ou croyant l’être qui usaient leurs fonds de pantalons tergal en consommant l’air du
temps…et souvent rien d’autre ! Une véritable institution
Soirées d’apéro ou nuits d’ivresse, petits déjeuners tard le soir ou tôt le matin, le Golfe était notre point de chute, le passage obligé de notre jeunesse débordante d’enthousiasme de la fin des années soixante, époque où l’on gagnait nos premiers salaires et où il ne manquait jamais rien à nos amusements. La vie était belle, les filles aussi. Lucie, Jeannine et Yvonne nous avaient « à la bonne », nous étions leurs enfants. C’était « notre» Golfe,
un peu comme la chanson de Michel Delpech «Chez Laurette», «c’était chez elle que notre argent de poche disparaissait… C’était bien, c’était chouette, quand on était fauchés, elle payait pour nous…» J’ai grandi au Golfe, je suis retourné bien des années plus tard et j’ai reçu le même accueil, les mêmes sourires, les paroles réconfortantes d’Yvonne, de Lucie et de Jeannine m’ont
fait chaud au coeur avant de partir vivre ailleurs le reste de leur âge…
Avec Paul Bozzi, le Golfe retrouve sa lumière La relève est arrivée peu après, avec toujours le même enthousiasme et la
même foi en ce lieu de convivialité que les ajacciens, jeunes et anciens adorent. Le passage au Golfe est un rite auquel on ne peut se soustraire lorsqu’on a connu ce qu’il
a été et combien il a compté dans le coeur de générations à travers cette image d’un Aiucciu bellu sans cesse renouvelée. Paul Bozzi a redonné sa vocation au Golfe et il s’en est occupé avec beaucoup de sérieux, d’amour serait-on tenté de dire tellement il était présent été comme hiver, matin et soir, au service de sa clientèle, de ses amis qui ont continué à profiter du soleil et de la chaleur de ce lieu mythique de la cité impériale.
Paul, le sympathique Paupol était là pour perpétuer la tradition, reprendre le flambeau d’un établissement prestigieux pour lui assurer la pérennité. Il l’a peaufiné, réparé, rénové et aujourd’hui, après quelques mois de relâche pour cause de travaux, revoilà notre Golfe et ses voutes célèbres revues et corrigées avec beaucoup de goût.
Une cure de jouvence qui lui sied à merveille et lui redonne cette force qui se marie fort bien avec la nostalgie qu’il suscite lorsqu’on s’assied à sa terrasse. Paul a superbement fait les choses avec sa foi et son amour du travail bien fait. Il a redonné une âme à cet honorable établissement qui résiste au temps et aux modes. Le Golfe a retrouvé son lustre d’antan et les ajacciens vont le retrouver à l’identique, avec une salle d’une grande clarté, plus spacieuse et fonctionnelle, une terrasse agrandie éclairée par un soleil printanier qui incite au farniente. Ce dimanche matin, tout Ajaccio est là. On se
retrouve, on se fait plaisir, on se congratule et Paul passe de table en table, le sourire aux lèvres, le sentiment du travail bien fait. Il est content. Non pas de revoir son établissement beau comme un sous neuf. Même pas! Plus sûrement la joie fait de retrouver ses amis réunis autour d’un verre.
Les « anciens » du golfe apprécieront sans doute le changement. Les jeunes apprendront à connaître. A savoir. Et nous direz-vous, qui l’avons connu au sortir de l’adolescence ? Hé bien nous, on continue sur notre lancée,
comme aux plus beaux jours de l’histoire du Golfe que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…

J. di i Tre Marie

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